L’homme enchainé à son orgueil déchainé

Selon les Pères de l’Eglise, l’orgueil est la source de tout péché. Et en effet, l’orgueil est à l’origine de tout mal et de toute destruction. Tous les hommes depuis Adam (sauf le Christ et la Vierge), portent en eux la conséquence du péché originel : une forte propension à l’orgueil.
La destruction de notre civilisation ne fait pas exception à la règle : elle est le produit de l’orgueil des hommes. Mais puisque les hommes ont toujours porté en eux le péché d’orgueil, comment expliquer qu’ils soient parvenus à bâtir une civilisation ? Pour le comprendre il faut réaliser qu’il y a des degrés dans l’orgueil. Si l’homme du moyen-âge était pécheur, au même titre que l’homme contemporain, son orgueil était contenu dans certaines limites par les conditions de vie très rudes de l’époque. Le paysan du Xe siècle, les pieds dans la boue de son champ, perpétuellement menacé par les brigands, la famine et les épidémies, ne se prenait pas pour un demi-dieu. Son existence difficile le rendait relativement humble. Au fur et à mesure que les conditions de vie se sont améliorées, les orgueils se sont peu à peu déchainés. Les hommes ont rejeté l’autorité de l’Eglise, ils ont coupé la tête de leurs rois, ils ont évacué Dieu une bonne fois pour toute et ils se sont enfoncés dans tous les délires idéologiques des XIXe, XXe et XXIe siècles, que nous ne connaissons que trop bien. L’orgueil frappe d’abord les catégories supérieures, qui voient leurs conditions de vie s’améliorer en premier. Il atteint surtout les citadins, car l’environnement artificiel des villes coupe l’homme du réel. Plus une ville est grande plus ses habitants ont tendance à être orgueilleux et à sombrer dans l’idéologie. Les paysans sont les derniers à connaître ces symptômes. Malheureusement, la démocratisation de la consommation, la télévision et internet font que plus personne n’est entièrement épargné. Reste que la théorie du genre n’est pas née dans la cour d’une ferme.

Une fois que les progrès de la civilisation ont eu conjuré tous les dangers qui rappelaient régulièrement à l’homme sa petitesse, celui-ci est devenu libre de se prendre pour un dieu. C’est ce qu’il n’a plus cessé de faire depuis. Malheureusement, l’homme sent bien qu’il n’a pas encore atteint son objectif : il est un dieu en perpétuel devenir. Pour parvenir à ses fins, c’est à dire rejoindre l’Olympe, il applique toujours la même méthode : il consomme. Il est en permanence convaincu qu’il n’est séparé de la divinité que par l’achat d’une montre, ou d’un smartphone. Il suffit de regarder les publicités pour se rendre compte qu’elles jouent toutes sur l’attrait absolu que représente la supériorité métaphysique (pour reprendre une terminologie girardienne). On n’achète pas une voiture pour se rendre au travail ou pour emmener sa famille en vacances, mais parce qu’elle est le véhicule des dieux. Les achats n’ont pas tous le pouvoir de transformer l’acheteur en surhomme. Le papier hygiénique, même de grande marque, ne confère pas une supériorité divine à celui qui quitte le supermarché avec son paquet de douze rouleaux sous le bras. En effet, un dieu n’a pas besoin d’aller aux toilettes. Le pouvoir déificateur des biens de consommation est particulièrement fort dans le cas des vêtements et des voitures. C’est lié au fait que ces choses sont comme un prolongement de leur propriétaire, contrairement à une bouteille de liquide vaisselle, par exemple. Les habits constituent comme une seconde peau et parce qu’il la commande d’une simple pression du pied, l’homme confond la puissance de son auto avec sa propre puissance. C’est la publicité pour le parfum One Million qui est la plus explicite quant au véritable objet de l’achat. C’est bien la toute puissance divine qui est vendue (ou plutôt achetée) :

Le progrès des conditions matérielles a d’abord permis l’élimination progressive des périls et des malheurs, qui s’abattaient sur l’homme du moyen-âge et l’incitaient à l’humilité. En conséquence, petit à petit, la prétention de l’homme à être un dieu s’est répandue et accentuée. Peu à peu, c’est toute l’activité humaine qui s’est mise au service de cet objectif. La technique et la technologie ont permis la production de biens et de services, offrant un sentiment de puissance toujours plus grand au consommateur. La divinité se vend bien, c’est même la seule chose qui se vend. Or pour l’acheter il faut de l’argent, ce qui nécessite d’être soi-même vendeur. Comme l’homme, malgré sa lutte acharné pour prendre possession des clés de l’Olympe, a une conscience aigue de n’être, pour l’instant, qu’un misérable mortel, il consomme de plus en plus frénétiquement.

Pour devenir un dieu, l’acquisition de divers biens matériels ne suffit pas. Cette quête se complète d’un volet idéologique. Les hommes développent et adoptent les idées qui leurs permettent de se sentir bien, importants et supérieurs. La théorie du genre, par exemple, ne sert à rien d’autre qu’à apaiser le mal-être d’une poignée d’homosexuels et de lesbiennes. En fait elle leur offre même un sentiment de supériorité, lié au fait d’être à « l’avant-garde de la civilisation » et à la fierté d’être libre de tout « conditionnement sexuel ». A l’origine de tous les délires idéologiques de ces derniers siècles, on retrouve l’orgueil, la révolte contre Dieu et un très fort désir d’usurper la divinité.

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